Une nouvelle réglementation claire pour éviter le greenwashing
Pour certaines entreprises, le développement durable est devenu un vrai business. Avec le risque parfois de tomber dans le greenwashing. Seule la mise sur pied d’indicateurs mesurables précis pourrait contrer cette dérive. Une directive européenne actuellement en préparation devrait aider.
Cela fait plusieurs années maintenant que l’on martèle l’importance de renverser la vapeur et de repenser le monde afin de ne pas courir à sa perte. Au point que certains bons élèves parmi les entreprises belges et du monde entier ont construit autour de l’environnement et des objectifs de développement durable un véritable business. Si cela contribue à faire avancer les choses, tant mieux diront certains, sauf si cela mène aux dérives du greenwashing. « On l’a vu par le passé et on le voit encore aujourd’hui, certaines entreprises présentent leurs activités sous une étiquette soi-disant propre, verte et vertueuse, alors qu’en réalité, elles ne le sont que très peu ou très superficiellement. Je pense qu’il faut continuer à exercer son esprit critique pour déceler ces pratiques de greenwashing », estime Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et membre de l’Académie royale de Belgique. Pour y parvenir, il est essentiel de vérifier, de la manière la plus indépendante possible, les arguments avancés, par des instances dépourvues de conflit d’intérêts avec les entreprises qu’elles évaluent, et avec des indicateurs clairement mesurables.
Une directive européenne en préparation
«Meten is weten, disent les néerlandophones. Mesurer, c’est savoir. Je pense qu’il est primordial d’établir des contraintes en termes de mesures pour orienter très concrètement le monde économique sur une voie plus vertueuse. Et pour déterminer ces indicateurs, il est crucial d’écouter les scientifiques », affirme le climatologue.
Et ces indicateurs ne devraient plus se faire attendre indéfiniment. En effet, une directive européenne en la matière est actuellement en préparation. « Elle concerne le rapportage dans les matières non financières, notamment en matière de durabilité et du respect des objectifs de développement durable, ou en tout cas, du respect de certains d’entre eux. Cela va aider et contraindre les entreprises, dans les années à venir, à améliorer leur position sur ces indicateurs. Elles auront les chiffres devant elles, et prendront ainsi conscience que leur discours parfois très vert en apparence, ne se traduit pas forcément dans des chiffres concrets », confie Jean-Pascal van Ypersele, qui a présidé le séminaire consacré à ce sujet par le Conseil fédéral du développement durable le 17 juin dernier. Selon lui, ce sont d’ailleurs les régions du monde où les législations liées à l’environnement, et plus largement au développement durable, seront progressivement les plus strictes, qui seront gagnantes à terme. « Il ne faut pas forcément attendre l’effectivité de cette réglementation pour préparer le monde d’après », souligne-t-il « On ne pourra pas échapper aux limites planétaires et aux limites sociales à respecter, mieux vaut donc prendre part au mouvement le plus tôt possible. Certes, il faudra peut-être essuyer les plâtres au début du processus, mais ceux qui se seront attaqués au problème les premiers seront aussi les premiers à dépasser les difficultés qui en découlent ».
L’auto-certification
Certaines entreprises l’ont déjà bien compris et se lancent dans la course aux labels et autres certifications. Une démarche louable en soi, qui se heurterait néanmoins à certaines limites. « Ces labels relèvent souvent de l’auto-certification. Plusieurs entreprises se réunissent et se mettent d’accord ensemble sur des normes qu’elles pensent pouvoir respecter. Et tous ceux qui sont prêts à les rejoindre décrochent cette certification. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais je pense que l’autoréglementation ne fonctionne que jusqu’à un certain point dans le monde économique. Ces labels ne remplaceront jamais les taxes, les réglementations, ou les interdictions qui, dans certains cas, sont bien nécessaires », considère Jean-Pascal van Ypersele. Ces certifications devraient en fait être perçues comme une étape vers un fonctionnement plus respectueux de l’environnement et de la durabilité, plutôt que comme une finalité à proprement parler.