Rightplacement, le zéro déchet en ressources humaines
Consultants en capital humain, Yves Mertens et Christian Dirkx appliquent un concept de gestion des ressources humaines novateur : le rightplacement. Objectif : remettre l’humain au cœur de la GRH et de la gestion de carrière, en offrant aux travailleurs l’opportunité d’exercer le job qui leur convient vraiment.
Que recouvre le concept de rightplacement ?
Yves Mertens : « En matière d’emploi, il permet aux entreprises de mettre ou de remettre les bonnes personnes aux bons endroits. Il repose sur deux piliers majeurs. Le premier est l’alignement, qui consiste à ce que les personnes soient pleinement épanouies et en phase avec leur travail, leurs aspirations et leur employeur. Nous mesurons cet alignement grâce à un outil appelé tout simplement ‘l’alignoscope’, qui comprend de multiples critères : sens du job, environnement de travail, compétences, etc. Le second pilier est la ‘mobilité volontaire écosystémique’. En l’occurrence, l’écosystème est tout le tissu d’entreprises ou d’organisations qui tournent autour de l’employeur en question - clients, fournisseurs, partenaires, filiales, etc. - et auprès de l’un desquels le travailleur pourrait être transféré. »
Christian Dirkx : « Le mot rightplacement est composé de deux termes tout à fait explicites : ‘right’ et ‘placement’. Ce ‘bon placement’ bénéficie tant au collaborateur, qui se sent désormais bien à sa place, qu’à l’employeur, qui a affaire à un personnel bien plus motivé. Précision importante : il ne s’agit donc ni d’un outplacement, qui mène d’office le collaborateur à quitter son emploi dans un contexte souvent déchirant, ni d’un inplacement, qui a trait à la mobilité interne au sein d’une entreprise. Le rightplacement a une visée beaucoup plus large. »
D’où vous est venue cette idée ?
Y. M. : « Il y a quelques années, j’étais présent à une formation sur l’économie circulaire. Je me suis alors demandé si l’on ne pourrait pas en appliquer les principes au domaine des ressources humaines. La démarche consistait désormais à reconsidérer les collaborateurs qui ne convenaient plus à un poste ou à une entreprise, en ambitionnant de manière préventive de les ‘recycler’ au lieu de s’en séparer comme des ‘déchets’. Ayant été DRH durant de longues années, Christian Dirkx avait déjà appliqué en partie ce modus operandi dans sa gestion des talents ; il est venu compléter le concept. »
C. D. : « Le rightplacement est vraiment une opération ‘win-win’ pour les travailleurs et les employeurs. D’un côté, le collaborateur reprend les rênes de sa carrière, se sent valorisé et instaure un climat de confiance avec son employeur. De l’autre, ce dernier renforce la qualité du management des talents et des compétences ainsi que le climat de travail et, partant, sa rétention de personnel, ce qui est essentiel dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre. »
Y. M. : « Ainsi, on réinstaure aussi de la confiance entre les parties. Si par exemple le climat est tendu au sein de l’entreprise, la méthode permet de pouvoir se parler à nouveau en adultes et de gérer les soucis, plutôt que laisser la situation se dégrader. De manière plus générale, le rightplacement vise aussi à élargir le cadre de réflexion de la gestion de carrière, de la gestion des talents et du bien-être au travail. Finalement, tout le monde y trouve son compte, tant les employeurs que les salariés ou les fonctionnaires. »
En quoi votre méthode diffère-t-elle de la GRH traditionnelle ?
Y. M. : « En matière de recrutement par exemple, beaucoup d’employeurs opèrent toujours sur la simple base d’une description de fonctions : ils exigent le bon diplôme et de l’expérience. Dans un marché du travail belge qui compte quelque 50.000 postes vacants, cela ne suffit plus. Tant pour recruter que pour retenir du personnel, il faut que les collaborateurs ou futurs collaborateurs trouvent dans l’entreprise ce qu’ils recherchent. Afin y arriver, nous effectuons plusieurs mesures, où la personne attribue un score à toute une série de dimensions : les valeurs de l’entreprise, le salaire, les possibilités de formation, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, la mise à disposition d’une cafeteria, etc. Chaque personne accorde bien évidemment une importance différente à chacun de ces critères. Grâce au total des scores attribués pour chaque dimension, nous pouvons définir la discrépance entre la situation actuelle du talent et celle qu’elle désire. Les actions d’alignement seront mises en place selon ces résultats. Le but n’est pas nécessairement d’enlever la personne de sa fonction ; on peut très bien prendre des initiatives pour la remotiver et restaurer la relation de confiance entre elle et son employeur. »
C. D. : « La puissance de l’outil est donc aussi, en mesurant ces écarts, d’identifier préventivement les zones à risque ou les zones de souffrance professionnelle. Quand on sait que la Belgique compte 500.000 malades de longue durée, notamment en raison de nombreux cas de burnout, on comprend tout l’intérêt de recruter les bonnes personnes aux bons endroits, avec un parfait alignement entre elles et leur entreprise. L’objectif est donc aussi de préserver au maximum le capital humain et le plus intelligemment possible pour les deux parties. »
Intervenez-vous aussi bien à la demande des collaborateurs que des employeurs ?
Y. M. : « Oui. Une entreprise peut par exemple nous solliciter lorsqu’elle constate une forte rotation de son personnel ou une multiplication des cas burnout, sans en comprendre les motifs. Il se peut aussi que dans pareille situation, les collaborateurs, voire le middle management, n’osent pas exprimer ces raisons. Il arrive parfois que sous prétexte d’être bien payés, des collaborateurs acceptent de travailler constamment sous une pression intense… mais finissent un jour par craquer ! Nous sommes là pour débloquer la situation avant que cela ne se produise, en procédant à une analyse et en faisant remonter les résultats au top management. »
C. D. : « Aujourd’hui, 37 % des travailleurs belges déclarent vouloir changer d'employeur. Toutefois, seuls 4 ou 5 % mettent cette intention à exécution. Pour éviter que les autres s’en aillent, les employeurs doivent prendre l’initiative de les aider et de trouver des réponses à leurs problèmes. Parfois, il suffit de changer certains paramètres à leur fonction ou dans le fonctionnement de l’entreprise pour que les choses s’arrangent. Cela signifie aussi que le rightplacement, par essence outil de placement à titre préventif, peut aussi devenir un outil curatif de réalignement. »
Vous venez de publier un ouvrage sur le rightplacement. Que contient-il ?
C. D. : « Il s’agit d’un livre de 328 pages à double face, qui peut être commandé sur notre site web rightplacement.be. Il comporte donc deux titres. Une couverture est titrée ‘Licenciement ? Pas pour moi, merci !’, où Yves Mertens décrit la méthode du rightplacement dans le contexte d’une prise en main de la carrière par le collaborateur, afin qu’il n’attende pas d’être licencié pour agir en cas de démotivation ou de désaccord profond. L'autre couverture de l’ouvrage s’intitule ‘Waste no more talents’ (‘Ne gaspillez plus les talents’), qui s’adresse bien évidemment cette fois plus spécifiquement aux employeurs. »
Y. M. : « L’idée de l’ouvrage est aussi d’expliquer que le rightplacement permet de ne pas perdre tout le capital que représente un collaborateur : ses réseaux professionnels, la connaissance de l'entreprise et de ses process, etc. On y explique également qu’on peut aussi envisager de le mettre à disposition d'un client, d’un fournisseur ou d’un partenaire. Qu’il soit pratiqué à titre préventif ou non, le rightplacement doit être synonyme d’écoute, de dialogue, de coresponsabilité et de bienveillance. L’idée est donc aussi de retrouver de l'humain dans le travail et de restaurer en quelque sorte la place du travail en diminuant, autant que faire se peut, tous les aspects négatifs. En paraphrasant un désormais célèbre slogan politique, on pourrait résumer cela par ‘Making work great again !’ »
Yves mertens et Christian Dirkx consultants en capital humain