Réindustrialiser la Wallonie : on y croit !
Les exposants du dernier Winter Market Technologies, au pôle industriel et numérique A6K de Charleroi, vous auraient dit à quel point ils trouvent ça « cool » de travailler dans l’industrie technologique. Cette vitrine d’innovations clôturait une journée consacrée à la réindustrialisation de la Wallonie. Politiques, entrepreneurs, chercheurs et simples visiteurs étaient là entre autres pour faire le plein d’inspiration et d’optimisme.
Dans son espace d’exposition, Nicolas Dessambre invite les curieux à tester les lunettes connectées qu’il a conçues avec ses collègues (et amis). Il est l’un des trois jeunes cofondateurs d’une start-up liégeoise créée en 2021, Get Your Way. À la base, l’idée était de créer ces lunettes pour les coureurs et cyclistes. Ce produit, qui était en réalité un prétexte dans le cadre d’un cours durant leurs études, est aujourd’hui testé entre autres chez Safran Aero Boosters et à l’hôpital de la Citadelle de Liège pour les préparations de commandes. Nicolas explique ce saut vers des applications industrielles : « Depuis l’université, nos lunettes ont évolué et de nouveaux usages ont été identifiés. Nous nous sommes finalement tournés vers l’industrie car nos lunettes sont d’un grand intérêt pour aider les opérateurs. » Il ajoute que pour lui, « travailler dans l’industrie, c’est cool ! Parce que nous trouvons des solutions technologiques à des problèmes concrets. »
Après une première levée de fonds réussie début 2023, Get Your Way va passer à la vitesse supérieure. Une deuxième levée de fonds est donc en route pour pouvoir industrialiser Get Your Way. Pour en arriver là, l’équipe s’est fait accompagner. Ce ne sont pas les programmes et les structures autour de l’industrie et des technologies qui manquent en Wallonie !
Retrouver notre indépendance
Sirris est l’une d’elles. Ce centre belge d’innovation technologique représente les secteurs de la fabrication avancée, autrement dit des entreprises qui travaillent en aval de l’industrie lourde. Il est à l’initiative de cette journée du 7 décembre à l’A6K. Car chez Sirris, on croit très fort dans la réindustrialisation de la Wallonie grâce à l’innovation technologique. « Faire avancer la réindustrialisation est considéré comme essentiel tant au niveau européen, que belge et wallon », commence Jean-François Delaigle, Directeur Régional Wallonie de Sirris. « Une des raisons est de retrouver une certaine souveraineté en rapatriant des productions importantes, mais aussi en développant de nouvelles usines ou de nouvelles lignes de production dans les usines existantes. Ensuite parce que chaque emploi dans le domaine manufacturier a un effet levier non négligeable dans la création d’emplois dans d’autres domaines. »
La Wallonie a de beaux atouts, mais il faut que les entrepreneurs, et les jeunes talents, en soient convaincus. « Parfois ils se disent que ce n’est pas pour eux, que ça a l’air trop compliqué ou trop futuriste. » Et Sirris veut inspirer, montrer par l’exemple que les technologies et la digitalisation ont déjà permis à des entreprises wallonnes de mettre un pied dans le futur.
On arrête la nostalgie !
Pour montrer que les pouvoirs publics wallons et fédéraux sont à fond derrière leurs entreprises industrielles, plusieurs représentants politiques sont venus distiller un discours volontariste. Le Vice Président du Gouvernement wallon Willy Borsus, par exemple, a rappelé que la Belgique consacre 3,43% de son PIB à la recherche et l’innovation. Ce qui hisse tout de même notre pays à la deuxième place européenne (après la Finlande), et à la quatrième place mondiale en la matière.
« La nostalgie d’un grand passé industriel n’a plus lieu d’être », a répété par vidéo Thomas Dermine, Secrétaire d'État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la Politique scientifique. « Nous sommes au contraire à la veille d’un grand mouvement de réindustrialisation. » Pour lui aussi, la question actuelle de la résilience des chaines d’approvisionnement est une opportunité pour notre industrie. « Il y a encore quelques années, l’endroit où l’on produisait avait peu d’importance. Mais aujourd’hui, avec les nouvelles menaces sanitaires, géopolitiques ou autres, il est important de protéger les chaînes de valeur et de relocaliser. »
Une question écologique aussi
Il a ajouté un autre facteur : la transition écologique. « Ça n’a plus de sens aujourd’hui de faire voyager des produits d’un bout à l’autre du globe. D’ailleurs l’Europe travaille aujourd’hui sur l’introduction d’une taxe carbone visant à intégrer le coût carbone dû au transport des matériaux. Ce serait un boost très important pour des productions industrielles en Europe ! »
Bien entendu, qui dit réindustrialisation, dit emplois. Et beaucoup de nouveaux métiers. Or le manque de compétences est aussi un frein certain aux ambitions industrielles. Dans son mémorandum en vue des prochaines élections, la fédération Agoria, qui représente l’industrie technologique, affirme que son secteur peine à trouver les 20.000 talents recherchés en Belgique (dont 16% en Wallonie). « Un comble, lorsqu’on sait que ce domaine est l’un des plus dynamiques et innovants, proposant des opportunités passionnantes et bien rémunérées. Parmi les 158 professions demandées, 66 sont considérées comme critiques et 92 métiers souffrent d’un manque de candidats. » En d’autres mots : l’industrie est loin d’être un secteur du passé, et il y a de belles places à prendre !