Pourquoi s'obstine-t-on à vouloir toujours gagner plus ?
Accro à l'argent. Ivre de pouvoir. Dans une longue tribune publiée dans le New York Times et intitulée Pour l'amour de l’argent, Sam Polk, 34 ans, raconte comment il a été huit ans durant un addict de Wall Street. À l'issue de sa première année à Bank of America, Sam Polk n'en croit pas ses yeux. Il engrange un bonus de 40 000 dollars. Sa motivation décuple. Il se consacre sans compter au travail, grimpant petit à petit les échelons de Wall Street, devenant un trader de contrats d'échange sur risque de crédit. Citi Bank lui offre un contrat de deux ans à raison de 1,75 million par an. En 2010, son bonus explose à 3,6 millions de dollars. Mais l'avarice le tient. Ce n'est plus assez. Il demande 8,5 millions à son chef, qui accepte d'entrer en matière s'il travaille plusieurs années pour la société. C'est le tournant. Sam Polk refuse.
Dans un article de l'IRL Review, journal académique américain, Jeffery Pfeffer, professeur de comportement organisationnel à l'Université Stanford (Californie, États-Unis), et ses collègues démontrent que l'argent appelle l'argent. Plus on en gagne, grâce à son travail, plus on en souhaite. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont démontré que l'argent gagné en travaillant a plus d'importance pour une personne que celui gagné au Lotto, par exemple, ou grâce à des placements financiers. Une étude quantitative menée sur un panel de consommateurs anglais entre 1991 et 2009, ainsi que deux expériences auprès de groupes de plusieurs dizaines de participants leur ont permis de vérifier ce fait.
Nombreux sont en effet ceux qui considèrent leur rémunération comme une preuve de reconnaissance de leur compétence, de leur intelligence. « Ce qui rend alors l'argent addictif, parce que plus vous en avez, plus vous en voulez », explique M. Pfeiffer. Ces salariés souffrent de l'ivresse des cimes… salariales. Pour lutter contre cette toxicomanie, le professeur préconise de la taxer davantage comme cela se fait classiquement pour limiter le tabagisme, par exemple.
Et à ce titre, l'Europe pourrait bientôt imiter la Suisse qui, voici un peu plus d'un an, imposait de nouvelles règles pour encadrer les rémunérations des CEO. En tout cas, la Commission européenne vient de présenter un projet assez proche, à savoir : soumettre les rémunérations des top managers des sociétés cotées à un vote contraignant des actionnaires, chaque année lors de l'assemblée générale. Cette règle obligerait les grands groupes à publier leur politique de rémunération puis à organiser un vote. Pour éviter la désintox.