Porteurs de handicap : s’adapter est un effort de chaque jour
L'intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail est un sujet encore trop souvent tabou ou négligé. Pourtant, ces individus sont tout à fait aptes à exercer un très grand nombre de métiers, parfois avec encore plus de talent. Leur inclusion professionnelle est non seulement un impératif moral, mais aussi une source de richesse de compétences dans le milieu de travail. Il faut cependant lever certains obstacles…
Compositeur, pianiste et accordeur de pianos, Nico Vancouver est non voyant depuis son plus jeune âge. Cela ne l’empêche pas de donner des concerts jusqu’à New-York ou Tokyo et d’avoir fondé le Brussels Piano Festivals dans les années 90. À 66 ans, il nous parle des difficultés qu’il doit cependant encore surmonter au quotidien pour exercer son métier. « J’ai une déficience visuelle depuis ma naissance », explique Nico Vancouver. « À 8 ans, ma vue s’est rapidement dégradée et les opérations subies à Liège n’ont fait qu’empirer les choses. Je suis devenu totalement aveugle à 13 ans. »
Il s’est alors orienté vers des études musicales. « Il n’y avait pas les ordinateurs adaptés d’aujourd’hui. Je devais donc apprendre les notes des partitions une par une et les retenir, ce qui prenait énormément de temps. » Si, aujourd’hui, l’informatique lui facilite la tâche, les difficultés sont encore nombreuses : « Lorsque je me rends en concert, j’ai généralement très peu de temps pour me familiariser avec les lieux et avec l’instrument ; chaque scène est différente, de même que le toucher et la sonorité de chaque piano. »
Être aveugle : un apprentissage permanent
Notre interlocuteur déplore « qu’en général, le monde de l’entreprise et de l’événementiel n’est pas conscient des difficultés que nous vivons et n’est donc pas préparé à la gestion des handicaps. Quand je me rends à Paris ou à Milan pour un concert, l’assistance est improvisée : où sont les loges et les sanitaires ? Y a-t-il une douche pour se rafraîchir ou un lit pour se reposer ? Il faut chaque fois poser la question et demander à se faire accompagner. Pour peu que l’accompagnateur qu’on vous désigne en dernière minute soit maladroit, on a vite fait de se coincer les doigts dans une porte… et d’annuler un concert ! C’est vraiment fatigant de devoir sans cesse redoubler de précautions. Est-ce si compliqué d’embaucher un accompagnateur professionnel pour quelques heures ? »
Les embûches ne s’arrêtent pas là. Lorsqu’il reçoit des informations ou des contrats pour des concerts, c’est encore trop souvent sur papier. « Ne pas voir signifie alors que je dois demander de l’aide pour la lecture de ces courriers. Il faut aussi retenir toutes les informations reçues au fur et à mesure et, à un moment donné, les rassembler comme les pièces d’un puzzle. Être aveugle, c’est être dans un apprentissage permanent, tant on fait continuellement appel à sa mémoire. Ceci explique aussi que quand je donne un concert, je ne joue généralement que la musique que j’ai composée moi-même. »
Nico Vancouver, compositeur, pianiste et accordeur de pianos