Mindstretch, l’énergie mentale sous surveillance électronique
La moitié des Belges se déclarent stressés et quatre sur dix déplorent ne pas pouvoir en parler avec leur supérieur hiérarchique.
Elke Vertstraten est responsable des ressources humaines du cabinet de conseil BDO. L’entreprise qui compte 850 collaborateurs a lancé un projet pilote visant à agir préventivement sur leur bien-être personnel.
Qu’est-ce que l’application « Mindstretch » que vous testez chez BDO ?
C’est une application développée par BioRICS, une spin-off de la KU Leuven. Pendant six mois, jour et nuit, une cinquantaine de nos collaborateurs porteront un FitBit au poignet. Il s’agit d’un bracelet qui récolte des données relatives aux mouvements, aux pas effectués, au rythme cardiaque, à la température corporelle… et envoie ces données à BioRICS qui analyse la dépense d’énergie mentale des personnes au moyen d’algorithmes traitant ces différents paramètres. Les informations traitées sont ensuite envoyées sur leur GSM de façon à ce qu’elles puissent vérifier l’état de leur énergie mentale et adapter leur comportement. La couleur de la courbe indique, heure par heure, si la personne était en phase de récupération (verte) ou de consommation (orange).
(Montrant son propre écran de téléphone) Quand je suis stressée, ou concentrée je consomme de l’énergie mentale. Le but sur le long terme est d’être en équilibre. Les utilisateurs de l’appli peuvent y consulter à tout moment la composante mentale de leur bilan énergétique et voir dans quelle mesure ils consomment ou restaurent leur énergie. Si chaque jour ou pendant des semaines entières on est dans l’orange, cela indique des risques de maladie et de burn-out et la nécessité d’adapter son rythme de travail et de vie.
Quelles informations sont enregistrées ? L’application respecte-t-elle le Règlement général de protection des données (RGPD) ?
On y a fait très attention et c’est bien spécifié dans les contrats avec BioRICS. Nous avons aussi bien expliqué aux travailleurs comment cela se passe. Les données physiques et administratives sont traitées indépendamment par plusieurs entreprises autour de BioRICS. Elles sont aussi stockées dans les systèmes informatiques d’entreprises différentes pour qu’en cas de hacking de l’une d’elles les conséquences de vols de données soient moins graves.
Pourquoi BDO a jugé intéressant de tester cette application sur son personnel ?
Le bien-être a toujours été une préoccupation de BDO et le projet test s’inscrit dans le cadre de sa politique RH, qui entend aider ses collaborateurs individuellement à se sentir bien dans leur peau, tant au travail que dans leur vie privée.
Avant, si plusieurs personnes disaient éprouver du stress, on organisait des programmes de bien-être avec des spécialistes. Mais on a remarqué que le résultat de telles sessions n’était pas nécessairement utile pour tout le monde. Aujourd’hui, on souhaite apporter une solution personnalisée adaptée aux besoins de chaque collaborateur ou collaboratrice. Cela nécessite de connaître plus de données.
Le personnel a-t-il répondu avec enthousiasme ? Combien de salariés étaient potentiellement concernés ?
Les 850 collaborateurs ont reçu une invitation à prendre part au test sur intranet. La sélection d’une cinquantaine de personnes s’est faite sur base de leur motivation à changer certains comportements, à les adapter et à les tester pour voir ce qui nous fait récupérer de l’énergie : se promener, pratiquer du yoga, arrêter de boire de l’alcool avant d’aller dormir… Seule la personne elle-même peut détecter pourquoi c’est en orange et comprendre les données du système.
La solution variera donc d’une personne à l’autre. Certains font beaucoup de sport et voudraient savoir si le pratiquer le soir ou le matin est plus ou moins énergivore ou réparateur. Personnellement, j’ai constaté que quand j’appelle un collègue, je suis toujours dans le vert. Sans doute que cela me donne de l’énergie d’échanger.
Quel est le profil des personnes ayant accepté de tester l’application ?
Les profils sont très différents : il y a des personnes jeunes, d’autres expérimentées, certaines sont chez BDO depuis longtemps, d’autres débutent leur carrière, des hommes et des femmes, des partners et des juniors… Il y a des parents de jeunes enfants qui dorment mal la nuit, mais aussi des personnes habitants seules, désireuses d’avoir une bonne hygiène de vie et un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle.