Le conflit des générations existe-t-il au travail ?
A l’heure actuelle, non moins de quatre générations se côtoient en entreprise : les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964), la génération X (entre 1965 et 1979), la génération Y ou millenials (entre 1980 et 2000) et la génération Z (après l’an 2000). Comment tout ce petit monde s’entend-il autour de la machine à café ?
Il flotte dans l’air du temps comme un nouveau conflit de générations. De la fameuse expression « OK boomer ! », qui a creusé le fossé, aux goûts et aspirations des uns et des autres, les différences se creusent.
Comment ces évolutions se traduisent-elles entre salariés ? Un jeune né en 2000 peut-il facilement collaborer avec son aîné qui a vu le jour à la fin des années 60 ? Véronique, 55 ans, employée dans une grande société américaine, témoigne : « Je suis toujours étonnée par la confiance en soi qu’affichent les millenials. D’une part, ils sont souvent surqualifiés avec un cursus de formations à l’étranger, un multilinguisme etc. mais ils n’ont d’un autre côté aucun scrupules à négocier leur salaire et divers avantages. Ma génération se montrait moins sûre d’elle, mais aussi plus respectueuse de la hiérarchie et de l’ancienneté ». Les jeunes générations considèrent en effet leurs collègues plus âgés de façon horizontale et non plus verticale. Il arrive d’ailleurs régulièrement qu'un millenial intervienne en réunion pour questionner l'approche du directeur vis-à-vis d'un projet donné. Ce genre de situation était marginale par le passé dans la plupart des entreprises. Ce n’est aujourd’hui plus le cas.
Génération baby-boom et millenials : le grand malentendu
Il existe une source d’incompréhension entre les baby-boomers et les millenials. En effet, l’idée que les premiers se font des employés plus jeunes est basée sur leur propre expérience : à savoir qu’ils doivent répondre à certaines obligations et travailler dur pour la même entreprise avant de bénéficier d’augmentations et de promotions.
Or, les millenials ne jouissent plus des mêmes avantages (stabilité, augmentations régulières, retraite assurée, etc.) et nourrissent d’autres exigences en contrepartie. Notamment un salaire compétitif dès leur arrivée (parce qu’ils s’attendent à partir dans un délai assez court) et plus de responsabilités. Pour eux, le travail est un moyen de développer leur valeur professionnelle afin de mieux négocier leur futur job. Et si les millenials ne projettent pas de travailler longtemps dans la même entreprise, c’est simplement lié à l’évolution de la société (licenciements massifs, instabilité de l’économie et environnement professionnel toujours plus concurrentiel).
Le malentendu naît du fait que les baby-boomers ont du mal à accepter que le monde a changé. Ils ont encore trop souvent tendance à penser que la génération Y veut progresser trop vite, qu’elle est inconstante et peu engagée.
Toutefois, certaines entreprises entendent recruter et fidéliser les millennials en répondant mieux à leurs attentes. Google, par exemple, envoie ses employés à des conférences et des camps de formation afin de les aider à améliorer leurs compétences. De cette façon, les salariés ont le sentiment de développer leur savoir (qu'ils peuvent capitaliser), tandis que l'entreprise rentabilise son investissement grâce aux connaissances fraîchement acquises de ses jeunes employés.
Une génération = une valeur
- Les baby-boomers : leur valeur prédominante est la flexibilité. Dans un sondage du Harvard Business Review, 87 % des baby-boomers déclaraient que la flexibilité était importante pour eux au travail. Ce constat est probablement lié au fait que ceux-ci ont construit une vie en dehors du bureau (71 % des baby-boomers interrogés jonglent avec les besoins de leur famille et 55 % d'entre eux consacrent bénévolement leur temps à des causes environnementales, culturelles, éducatives et autres). La flexibilité apparaît d’ailleurs aujourd’hui comme une stratégie de rétention des entreprises.
- La génération X : l’autonomie constitue leur motivation principale pour s’épanouir au boulot. Et pour cause : la plupart d’entre eux ont dû forger leur propre indépendance dès leur plus jeune âge : leurs deux parents travaillaient, et ils se sont habitués à un certain degré d’autonomie. On les dit débrouillards, autonomes et travailleurs. Pour les stimuler en entreprise, il est important de leur laisser une certaine latitude pour expérimenter et s’améliorer. Il sont en effet plus motivés lorsqu’on leur laisse la liberté et la confiance nécessaires pour accomplir leurs tâches comme bon leur semble.
- La génération Y (ou millenials) : pour cette tranche d’âge, le développement constitue la première valeur. Selon le rapport de l'institut Gallup intitulé « How Millennials Want to Work and Live », 59 % d’entre eux estiment que les opportunités d'apprentissage et d'épanouissement sont extrêmement importantes lorsqu'ils postulent à un emploi. Or, seulement 44 % des X et 41 % des baby-boomers sont d'accord sur ce point. Plus que toute autre génération, les millenials recherchent des opportunités de croissance et de développement.
- La génération Z : leur motivation professionnelle dominante est la finalité. Dans une étude menée auprès de 235 étudiants d'écoles de commerce, 64,7 % des répondants ont en effet indiqué que le fait d'« aimer son travail » était le facteur qui les motivait le plus, devant la rémunération et l'avancement professionnel. L’idéal est donc de leur montrer qu'ils servent une cause plus grande qu’eux-mêmes pour les motiver. De plus, une étude réalisée par Dell a révélé que 38 % des Z voulaient travailler pour une organisation socialement ou écologiquement responsable, et 45 % souhaitaient trouver un travail qui avait un sens et un but au-delà de la rémunération.
OK boomer !
Si vous êtes en contact avec la génération Z, sans doute avez-vous déjà entendu l’expression « OK boomer ! » Celle-ci est utilisée par les jeunes pour se moquer de la génération des baby-boomers. L'expression a gagné en popularité après qu'une députée écologiste néo-zélandaise de 25 ans, Chlöe Swarbrick, ait lancé ces deux mots « OK boomer ! » au Parlement de Wellington pour faire taire un parlementaire plus âgé. La vidéo est ensuite devenue virale.
« C’était mieux avant… »
De tous temps la génération suivante a été dénigrée par la précédente… Socrate et Hésiode se lamentaient déjà sur la nouvelle génération, accusée d’amener l’humanité à sa perte… C’est encore le cas aujourd’hui entre la génération des baby-boomers et celle des millenials. En cause : la peur de l’avenir des baby-boomers, leur crainte de vieillir, leur incapacité au changement et de se mettre à la place de l’autre… Les millenials sont pourtant loin des accusations d’individualisme qu’on leur prête. Ils se montrent au contraire très concernés par la quête du sens, la défense de l’environnement et la qualité de vie au sens large...