L’action est le juge de paix de l’entrepreneur
Éric Larchevêque est l’auteur de l’ouvrage « Entreprendre pour être libre », qui sort ce 17 janvier. Fort d’une riche expérience, cet entrepreneur français audacieux y partage son parcours, ses principes, ses méthodes, ses conseils. Rencontre avec un homme de terrain aux multiples vies, qui place l’action au centre de son modus operandi… et qui apprécie aussi les « réflexions philosophiques » de notre Jean-Claude Van Damme national !
Quel a été votre parcours d’entrepreneur jusqu’à ce jour ?
Éric Larchevêque : « À la base, je suis ingénieur en microélectronique. J'ai fondé ma première entreprise en 1996 ; elle réalisait notamment des sites internet. Deux ans plus tard, j’ai lancé une autre société dans le domaine de la monétisation de contenus axés entre autres sur le divertissement. Elle est rapidement montée à 20 millions d'euros de chiffre d'affaires et fut revendue neuf ans plus tard. En 2002, je me suis expatrié en Roumanie pour créer une filiale de cette deuxième entreprise ; j’y ai également fait un peu de développement immobilier. En 2005, je suis parti en Lettonie, où j'ai développé un hôtel d'une centaine de chambres. Là-bas, j'ai découvert un peu par hasard le jeu du poker, ce qui m’a amené à un parcours de joueur professionnel à travers le monde de 2008 à 2010 ; j'ai fait les championnats d'Europe et du monde ; j'étais classé troisième joueur français de tournoi. »
Puis, ce fut le retour dans l’Hexagone…
É. L. : « En 2010, j’ai en effet ressenti à nouveau le besoin de construire quelque chose et je suis revenu en France pour y créer une start-up qui a lancé un comparateur de prix en ligne. Mes associés et moi avons levé des fonds, l’avons développée et revendue en 2013, date à laquelle j'ai croisé la route du Bitcoin, ce qui m'a amené à ouvrir la Maison du Bitcoin à Paris. De fil en aiguille, ceci a donné lieu à la création de Coinhouse et de Ledger. Cette dernière étant devenue aujourd'hui le leader mondial des solutions de sécurité pour cryptoactifs, emploie 600 personnes et est valorisée à plus de 1 milliard d'euros, tandis que Coinhouse est la première plateforme d'accès au Bitcoin et aux crypto-actifs en France. En 2019, j’ai quitté la présidence de Ledger pour me lancer successivement dans de nouvelles aventures : j’ai participé à l'émission ‘Qui veut être mon associé ?’ sur M6 ; j’ai opéré divers investissements ; j'ai développé Algosup, une école de développeurs qui forme des architectes logiciels en 5 ans ; j'ai ouvert le B3 Village by CA, un incubateur de start-ups. Enfin, il y a peu, j'ai développé un domaine en Sologne, qui porte mon nom. J'y ai lancé un certain nombre d’initiatives pour les entrepreneurs, comme l’organisation de masterclass et de formations autour du partage de mon expérience. C'est mon activité principale aujourd'hui. »
Qu’est-ce qui a motivé tous ces changements ?
É. L. : « À chaque fois, des opportunités se sont présentées à moi. La vie en est remplie et il faut pouvoir les saisir en n’ayant pas peur de passer à l'action. Il faut aussi avoir la capacité de passer à autre chose quand c’est nécessaire. Je ne m'attache pas émotionnellement à mes entreprises ou à mes projets. Lorsqu’une nouvelle opportunité s'offre à moi, je vends l’entreprise précédente. J’ai ainsi eu tendance à changer de vie tous les trois ou quatre ans. C’est la raison pour laquelle j’ai intitulé mon livre ‘Entreprendre pour être libre’. La liberté, c'est faire ce qui nous anime, pouvoir suivre son instinct et ses envies. Le salariat n'était vraiment pas du tout fait pour moi ; il m’aurait trop contraint dans des cases et n'aurait jamais permis de m'exprimer pleinement. »
Dans votre ouvrage, vous déclarez qu'il ne faut pas hésiter à se faire piquer ses idées. Pourquoi ?
É. L. : « Trop de personnes désireuses de se lancer dans l’entrepreneuriat restent coincées sur l'envie et ne vont pas suffisamment dans l'action de peur d'exposer leur idée. C’est au contraire en en parlant, en échangent sur celle-ci, qu’on peut la faire évoluer. D’autant plus que la première version d’une idée n'est généralement pas la bonne. Hors des secteurs comme la biotech ou la deep tech, le dépôt de brevet est une perte de temps et une fausse manière d'avancer. La propriété industrielle n’a de sens que dans l'industrie et dans certains contextes bien spécifiques. Un véritable entrepreneur est quelqu'un qui est dans l'exécution. L'action et l’exécution sont le juge de paix de l'entrepreneur. Tout le reste, c'est de la littérature Dans le même ordre d’idée, l’élaboration d’un business plan est également une perte de temps. »
Gouverner, n’est-ce pas prévoir, comme le dit la maxime ?
É. L. : « Non, car on ne peut pas tout prévoir. À force de trop réfléchir, on peut se perdre en conjectures. Une fois encore, ce qu’il faut, c’est être dans l’action : oser se lancer, être à l’écoute des clients et se confronter au terrain, en ayant le ‘bon sens de l'épicier’ dans sa gestion. On peut bien sûr mettre ses idées et son plan d’action dans un document écrit, mais de là à rédiger un business plan de 30 pages, c’est une chose que je n’ai jamais faite. Cela n'a aucune application dans le monde réel. Réfléchir est même parfois le début du renoncement, car si on commence à trop réfléchir, on finit par théoriser l'échec. Je sais que quand je dis cela, cela peut paraître un peu simpliste. Mais j'aime à penser que mes principes se rapprochent un peu du ‘Van Damme-isme’ : les propos de votre compatriote Jean-Claude Van Damme sont un peu provocateurs et simples en apparence, mais ils sont en réalité parfois très profonds sur le plan philosophique ; j'aime bien ce qu'il raconte. »
Être dans l’action, cela signifie-t-il pour autant foncer à tout prix et ne jamais abandonner ?
É. L. : « On entend souvent dire qu’un entrepreneur doit être résilient et obstiné. Mais il y a une différence entre l'obstination et la folie. Il doit toujours y avoir un équilibre. Il faut être à l’écoute du marché afin de prendre les meilleures décisions, y compris celle d’abandonner quand c’est indispensable. Savoir s'arrêter n’est pas forcément synonyme d’échec ; ce peut être l’occasion de recommencer différemment. Cela étant, même s’il faut pouvoir apprendre de ses erreurs, je ne suis pas du tout de l’avis de ceux qui prétendent que pour réussir, il faut échouer plein de fois et parfois toucher le fond de la piscine. Si la notion d'échec fait partie du parcours de l'entrepreneur, je ne la célèbre pas pour autant ; je ne la considère pas comme le précurseur indispensable et nécessaire à la réussite. »
Quels conseils donneriez-vous encore aux entrepreneurs et candidats entrepreneurs ?
É. L. : « Le premier conseil est d’être bien à l’écoute de ce qu’on appelle les signaux faibles, c’est-à-dire l'ensemble des éléments que l'on voit ou que l’on entend mais qui ne sont pas forcément clairs et précis. On les capte souvent de façon instinctive. Ils permettent de donner des indications sur le contexte et aident à prendre des décisions appropriées. Cela peut être par exemple sentir qu’à un moment donné d’une discussion, quelqu’un bluffe et que ça ne vaut pas le coup de faire affaire avec lui. Le second conseil est de ne pas hésiter à se lancer comme entrepreneur si on a une âme d’aventurier. À mes yeux, l'entrepreneuriat est la dernière grande et belle aventure humaine qui permet d’accéder à la réussite et à la liberté. »
Eric Larchevêque - auteur du livre "Entreprendre pour être libre"
Plus d’infos : www.ericlarcheveque.com