Divorce : un tremplin pour votre carrière ?
Travailler c’est trop dur et divorcer c’est pas beau ? Allons, allons : passé le choc, le divorce ouvre à certains – et surtout à certaines – de nouvelles perspectives de carrière.
En Belgique, un couple qui se marie aujourd’hui a deux « chances » sur trois de divorcer. Une crise personnelle qui se double souvent d’une crise financière, sociale... et professionnelle. Le divorce représente un coût : un coût économique avec un risque de paupérisation (en particulier pour les femmes peu qualifiées avec enfants), un coût psychoaffectif, un coût temporel qu’entraîne la gestion même du divorce et un coût spatial du fait qu’il faut réagencer les lieux de vie…, explique Bernard Fusulier, professeur de sociologie à l’UCL, chercheur FNRS et spécialiste des questions autour de l’articulation travail-famille.
Des priorités inversées
Mais outre le « coût » direct du divorce sur la vie professionnelle, la dissolution du couple entraîne aussi des effets à long terme sur la carrière et le sens qu’on lui donne. La pression à la productivité est aujourd’hui très grande. Cette situation peut être supportable lorsque la vie privée est un soutien à la vie professionnelle. Le couple s’arrange : souvent, l’un des conjoints – en général la femme – se met au service de la carrière de l’autre et assure une plus grande part de l’intendance domestique, poursuit le sociologue. Pour de nombreux travailleurs, le divorce impose donc de ralentir le rythme, de modérer son ambition et, paradoxalement, de se recentrer sur sa vie familiale. C’est le cas de Marc, 45 ans, directeur marketing. Avant, j’étais souvent en déplacement. J’adorais mon job et je voyais peu mes enfants. Maintenant, j’ai mes enfants une semaine sur deux. Et cette semaine-là , il faut que je sois vraiment présent. Je dois donc décliner certaines opportunités professionnelles, ce que je n’aurais jamais fait auparavant.
Un travail qui paie
Du côté des travailleuses divorcées, la réorientation professionnelle semble le plus souvent obéir à des impératifs économiques. Pendant mon mariage, je travaillais à mi-temps comme assistante de direction dans le milieu des assurances. J’avais décliné un temps plein, car mon mari gagnait très bien sa vie, était souvent à l’étranger, et il fallait s’occuper des enfants. Pourquoi aurais-je travaillé plus ?, explique Nathalie, 52 ans. Mais après son divorce, Nathalie est financièrement prise à la gorge. Le temps plein n’est plus une option, mais une nécessité. Faisant valoir sa double licence en droit et en économie, elle se met alors à travailler 60 heures par semaine et gravit les échelons sans coup férir. J’ai fini par devenir liquidateur de la société, activité à laquelle je me suis ensuite consacrée. Or, les liquidations paient très bien... J’ai retrouvé une totale autonomie financière, explique-t-elle, fière de son indépendance. Il n’est pas possible de faire carrière avec un mi-temps, poursuit-elle. Avec le recul, je conseillerais aux jeunes femmes de travailler à temps plein, coûte que coûte.
Une nouvelle identité
Sylvie, 45 ans, est à la tête d’un réseau de femmes entrepreneuses. Elle non plus n’en serait pas là sans son divorce. Avant, j’étais free-lance, je voyageais huit mois par an. Lorsque je me suis séparée de mon mari, je savais que j’allais devoir changer de vie. Sans un boulot fixe, je n’aurais même pas pu espérer la garde de ma fille. Du jour au lendemain, Sylvie a donc troqué une vie de bohème contre un temps plein en entreprise... ce dont elle ne se serait jamais crue capable. Mon ex-mari me faisait souvent remarquer que j’avais de la chance, que j’étais libre. C’était en partie vrai mais, en même temps, j’étais cantonnée dans un rôle. Lui faisait carrière et moi je faisais – soi-disant – ce que je voulais. Traumatisme ou libération : le divorce force en tout cas les travailleurs, hommes et femmes, à redéfinir leurs projets, leurs envies. Autonomie, argent, sécurité ou passion enfin vécue : chaque ex cherche sa voie... dans les limites de son genre et de ses responsabilités.
Julie Luong
Le rôle de l’employeur
Actuellement, il n’existe aucune disposition spécifique relative au divorce des salariés. Plutôt que de fermer les yeux, ne serait-il pas plus judicieux d’intégrer ces problématiques comme faisant partie d’un management responsable et proactif ?, interroge Bernard Fusulier. Assurer une écoute, réfléchir à des modalités de réorganisation du travail, proposer de prendre sans culpabilité un congé pour convenance personnelle… Cela ne doit pas être perçu comme un coût, car c’est un investissement : meilleure satisfaction au travail, diminution du stress, atténuation des risques de burnout, etc. Au vu du nombre de divorces, la suggestion mérite attention. Pourvu qu’elle ne renforce pas les inégalités hommes-femmes.
Divorcée : un stigmate sur le CV
Les employeurs se méfient des femmes mariées sans enfants : elles pourraient en avoir incessamment sous peu. Mais certains craignent tout autant les jeunes mères... qui ne sont plus mariées. Sur les conseils d’une amie qui travaille dans un cabinet de recrutement, je n’ai jamais dit lors de mes entretiens que j’étais en procédure de divorce, raconte Sylvie. Les femmes seules avec un enfant, on les craint. On pense qu’elles vont être moins disponibles, s’absenter davantage si l’enfant est malade.
Et si on se remariait ?
Si le divorce peut booster votre carrière, un remariage peut faire mieux ! En effet, les enquêtes montrent que le soutien – moral mais surtout domestique – du conjoint est déterminant dans la réussite professionnelle, en particulier chez les femmes entrepreneuses. On fait le bon choix et on remet ça ?