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Cette crise est une opportunité pour modifier sa mobilité

Rédigé par: Vincent Liévin
Date de publication: 13 sept. 2021

Dossier Références, mobilité

Avec la pandémie du covid, certains enjeux sont aujourd’hui plus pertinents que jamais, et l’accélération de la transformation durable (SDGs) devient incontournable. La « mobilité durable » et le « smart working », par exemple, constituent des éléments clés de la Responsabilité Sociétale des Entreprises. Celle-ci est d’ailleurs de plus en plus centrale pour les travailleurs dans leur choix de carrière.

À l’heure où le télétravail est devenu la norme, de nombreuses entreprises s’interrogent sur la meilleure manière d’envisager la mobilité (l’immobilité) de leurs travailleurs. Elles en font un réel enjeu stratégique avec un impact sur leur réputation (Corporate Branding), et leur attractivité (Employer Branding). Comment appréhender ce travail qui n’est plus contraint aux limites physiques de l’entreprise ? Bien au-delà des New Ways of Working (NWoW), notre comportement face au travail et face à la formation est en pleine réflexion. Quelles sont les « best practices » en la matière ? À la veille de la semaine de la Mobilité, comment peut-on accompagner au mieux cette (r)évolution à un moment où la captation de chaque talent est plus décisive que jamais pour les entreprises ?

Pour en parler, « Références » a suscité le débat avec de grands acteurs du domaine lors d’une table ronde à Namur : Engie, CBC (banques et assurances), SKIPR, la Stib, l’UWE, le SPW service public de Wallonie ont échangé sur cette évolution majeure de notre société. « En réunissant le secteur public, le secteur privé, les prestataires de mobilité, la volonté est réellement d’enrichir la réflexion et d’échanger sur les solutions concrètes appliquées actuellement sur le terrain » explique Derek d’Ursel, directeur de « Références » dès le début du débat. D’ailleurs, un petit détail ne trompe pas comme il l’a souligné : « Chacun est venu à ce débat avec son propre mode de déplacement : vélos, à pied, en train… »

Derek d'Ursel, directeur de Références

Derek d’Ursel, directeur de « Références »

Des ambassadeurs

Au travers de la thématique, « Sustainable Mobility and Smart Working », les discussions montrent que les employés peuvent devenir des acteurs de la mobilité comme le confirme Benoit Minet, ex-Responsable de la Cellule Mobilité de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), et actuellement « Conseiller RSE & Chargé de communication à l’Union Wallonne des Entreprises » : « Un employé ne doit pas avoir peur d’être ambassadeur de sa mobilité auprès du management de son entreprise et de ses autres collègues. Il peut partager son vécu. Cette expérience permet aussi d’améliorer la communication d’ensemble de l’entreprise. Notre Cellule Mobilité propose même un volet de formation ambassadeurs. » Il pousse le raisonnement plus loin : « Les entreprises elles-mêmes devraient s’afficher davantage comme des ambassadeurs et vanter ce qu’elles proposent de bien en terme de mobilité. »

Évidemment, cette démarche doit s’inscrire dans une réflexion plus globale : « Pour l’entreprise, cette réflexion sur la mobilité se construit au fil des années et contribue à sa manière au développement de sa stratégie de développement durable globale (économique, sociale et environnementale). »

Il prend un exemple concret : « Aujourd’hui, un employé pense souvent à modifier sa mobilité après un changement professionnel ou dans sa vie privée (enfant, divorce…) La crise du covid a été une rupture, une crise sanitaire inattendue qui a remis la réflexion à plat chez de nombreuses personnes. » Pour lui, « cette crise est une opportunité au niveau de la mobilité. Il faut continuer à accompagner le public et les entreprises et poursuivre les investissements dans les infrastructures. Chez nous, nous formons des Mobility Managers. » Il rappelle l’importance aussi de valoriser l’offre de services qui existe déjà sur le territoire (le responsable RH ne sait pas toujours qu’il y a une ligne de bus performante à destination de l’entreprise…) » Il insiste sur le fait que « chaque expérience de mobilité doit être positive pour l’employé. L’entreprise doit aussi y réfléchir. »

Évidemment dans les entreprises, cela peut amener certaines réorganisations : « Le fleet management et le mobility management qui étaient deux compétences distinctes au sein des entreprises commencent à fusionner au profit d’une mobilité intégrée.

 Benoit Minet

Benoit Minet, Conseiller RSE & Chargé de communication à l’Union Wallonne des Entreprises

Choisir ses implantations

Une réflexion pleinement intégrée au SPW qui est à la fois employeur et gestionnaire des infrastructures comme l’explique Jean-Michel Baijot, inspecteur général du département Stratégie de la mobilité et de l’intermodalité au service public de Wallonie (SPW) : « La Wallonie a voulu se doter d’une vision progressiste en termes de mobilité à la suite des accords de Paris. Nous agissons au quotidien pour offrir les meilleures infrastructures suivant les différents types de mobilité. » En interne, cette approche est intégrée au travers d’un plan de développement durable : « Nous avons adapté l’emplacement de nos implantations afin qu’elles soient proches des grandes gares. Nous procédons aussi à des achats plus durables. » Pour lui, un aspect est prioritaire : « Nous sommes une entreprise qui fait aussi ce qu’elle dit qu’il faut faire. Nous mettons en place un accompagnement des travailleurs (avec des profils et des métiers très différents) pour préparer et conscientiser. Nous offrons des alternatives à l’utilisation des voitures individuelles mais aussi des vestiaires et des douches adaptées. Sans oublier la réflexion sur le télétravail… Le confinement a révélé un potentiel de renforcement mais à relativiser avec les coûts d’utilisation (TCO). » À cela s’ajoutent des changements en profondeur : « Pour les véhicules de fonction, le diesel est proscrit. Nous achetons des véhicules hybrides ou full électrique. Évidemment, cela a un impact budgétaire. Parallèlement, nous constatons toutefois une diminution de l’utilisation de certains véhicules. »

Jean-Michel Baijot, inspecteur général au SPWMi

Jean-Michel Baijot, inspecteur général du département Stratégie de la mobilité et de l’intermodalité au service public de Wallonie (SPW)

Essayer pour… l’adopter

À son niveau, Colette Pierard, responsable de la Cellule Mobilité à l’UWE, ne manque pas d’idées pour lever certains freins : « Les employés ne doivent pas avoir peur de tester, d’essayer… que cela soit pour le bus, le vélo, les voitures partagées… La Semaine de la Mobilité est aussi une occasion en la matière. Nous proposons par ailleurs des programmes clé sur porte pour que les entreprises puissent mieux gérer leur mobilité. Nous leur parlons aussi des opérateurs avec des actions spécifiques ou des prix réduits pour qu’ils puissent essayer. »

Colette Pierard

Colette Pierard, responsable de la Cellule Mobilité à l’UWE

Instaurer la confiance

Acteur incontournable de la mobilité de la Capitale européenne, la Stib poursuit sa transformation comme le confirme Johan Claes employer branding et sourcing manager à la Stib. « Il faut trouver des solutions les plus durables possibles parce que le homeworking ne va pas tout solutionner. » la Stib travaille au quotidien à améliorer la mobilité des navetteurs : « la Stib est au centre de la mobilité à Bruxelles.». Au niveau du personnel du service public, un important travail est mené : « Nous sommes très attentifs à faciliter leur mobilité et à instaurer la confiance dans cette transformation. Le marché de l’emploi va reprendre très vite et les employeurs vont devoir s’adapter aux demandes des candidats en termes de mobilité, de qualité de vie… Si l’employé est bien dans son travail, sa tâche sera bien réalisée. Il va falloir être créatif et se réinventer pour attirer les talents. En termes de mobilité, l’employé possède aujourd’hui la main sur le marché. »

Johan Claes, stib

Johan Claes employer branding et sourcing manager à la Stib

Net zéro carbone

Chez Engie, Jean-Louis Samson, Directeur Immobilier et Logistique, est convaincu par cette évolution et l’applique déjà depuis plusieurs années : « Notre volonté est d’être une entreprise net zéro carbone d’ici 2045. des solutions de transport innovantes et flexibles : abonnement de transport public, vélo, trottinette, voiture électrique… Depuis 10 ans, tous nos sites administratifs sont implantés près de la gare (Gand, Anvers, Namur, Bruxelles…) pour éviter les déplacements en voiture personnelle. Nous sommes passés de 80 % de personnes venant au travail en voiture à 20 %. Des déplacements plus respectueux de l’environnement qui font aussi gagner pas mal de temps ». Pour lui, les clés de la mobilité et de l’environnement de travail sont associées.

« Nous avons des personnes qui veulent venir travailler chez Engie parce qu’on a un package mobilité et un environnement de travail très attractif. Nous adaptons chaque année ce package suivant les changements de règles fiscales notamment… »

Jean-Louis Samson

Jean-Louis Samson, Directeur Immobilier et Logistique chez Engie

Des solutions adéquates

Cette réflexion à propos d’une meilleure gestion globale de la mobilité est au cœur de l’activité de Mathieu de Lophem, Co-founder et CEO de la société (SKIPR). « Nous n’avons jamais eu autant de clients (Deloitte, Ogilvy, Carrefour…). Les entreprises ont conscience que c’est le moment d’agir. Les employés veulent aussi de nouveaux moyens de transport. » Pour lui, les employés ont un rôle important à jouer : « Avec SKIPR, ils disposent d’une application qui va permettre de dégager les solutions de mobilité adéquates et une carte de paiement en fonction des solutions de mobilité que l’entreprise a prévu. De son côté, l’entreprise peut compter sur une plateforme de gestion. » Avec son guichet unique, SKIPR entend simplifier la mobilité. Toutefois, certains freins périphériques persistent : « Actuellement, les entreprises font face à un manque de transparence de certaines mesures, à la complexité de l’ATN… En France, le portefeuille de la mobilité durable offre une réelle solution à ce niveau. Cela permet à l’entreprise de pouvoir travailler en confiance et dans le confort. La priorité réside à ce niveau : enlever les freins pour faciliter la vie du mobility manager. » Pour lui, cette évolution est urgente : « La mobilité devient un atout de recrutement. Pour une entreprise, avoir un vrai package mobility, cela se travaille chaque année. » Il ne cache pas qu’après cette crise, « ce serait scandaleux qu’une entreprise ne profite pas de cette opportunité pour se poser la question de la mobilité. »

Mathieu, SKIPR

Mathieu de Lophem, Co-founder et CEO de la société (SKIPR)

Le vélo de proximité

Cette mobilité comme pilier de l’entreprise, Randy Francart, Expert-Entreprises chez CBC Banque et Assurance, l’applique pour les 1000 collaborateurs de CBC. « Le geste, le plus important que l’on a réalisé ces dernières années en la matière, a été de déplacer nos bureaux de la Grand-Place de Bruxelles vers Namur. Nous avons mis en place avec l’UWE un plan de mobilité en faisant la promotion des transports en commun avec des mécanismes du tiers payant et le covoiturage (avec une application pour proposer ou demander les services de collègues, cela représente aujourd’hui 100 personnes). » Le vélo n’a pas été oublié : « Nous avons beaucoup de collaborateurs qui habitent dans le grand Namur. Ils peuvent acquérir un vélo. On permet aux collaborateurs de tester un vélo électrique pendant une semaine et on a créé un partenariat avec l’ASBL Provélo pour les accompagner dans cette démarche via des formations. Nous avons aujourd’hui une centaine de collaborateurs qui ont acheté un vélo contre une cinquantaine avant la crise. » Dans cette réflexion sur un autre mode de mobilité et de travail, pour les fonctions qui le permettent, CBC va étendre sa politique de télé8travail à 50 % du temps par moi. La banque soutient aussi ses clients : « Nous accompagnons les entreprises dans la transition de leur flotte vers les véhicules électriques. Nous participons à l’installation et au financement des bornes à domicile. Nous proposons aussi aux entreprises, une solution de leasing vélo avec les assurances… »

CBC

Randy Francart, Expert-Entreprises chez CBC Banque et Assurance

Opportunités créatrices

Toutes ces pistes offrent des opportunités créatrices tant pour les employés que pour les entreprises. De nombreux chercheurs d’emplois ou des employés en quête de changement aujourd’hui sont très sensibles à ces aspects qui ont un impact direct au quotidien sur leur travail et leur vie de famille.

Vincent Liévin