Bond historique de pénuries sur le marché de l’emploi
Presque la moitié des employeurs de Belgique ont du mal à compléter leurs équipes, les postes restent vacants, les profils qualifiés manquent: la dernière enquête sur les pénuries de talents réalisée par ManpowerGroup tire la sonnette d’alarme. Entretien.
Si c’est surtout du côté des entreprises flamandes que les employeurs crient famine pour pouvoir continuer sur leur lancée, avec des niveaux de pénuries jamais atteints depuis plus de 10 ans, c’est bien à l’échelle nationale que les conséquences pourraient se faire sentir. Rencontre avec Philippe Lacroix, Managing Director de ManpowerGroup Belgium.
Comment expliquez-vous ces records de pénurie sur le marché de l’emploi?
Il y a deux causes principales. La première se développait depuis un certain nombre d’années, mais se concrétise de manière importante aujourd’hui: c’est la question des départs à la pension de toute une génération, ce qui crée un appel d’air avec l’ouverture de toute une série de fonctions. Ensuite, nous faisons face aujourd’hui, plus encore qu’hier, aux conséquences des avancées technologiques, de la digitalisation. On demande désormais des compétences de plus en plus importantes et diversifiées pour les mêmes fonctions. Il y a donc toute la question de l’adaptation des compétences et l’évolution des collaborateurs.
Au-delà des secteurs connus pour leur manque de mains d’œuvre (IT, ingénierie, commerce…), quelles tendances avez-vous observées?
Cette dernière étude révèle des pénuries qu’on n’avait pas avant, notamment dans le secteur médical de manière large (infirmier.e.s, médecins généralistes, personnel dans les hôpitaux, etc.) mais aussi le personnel de management, tous secteurs confondus.
Quels sont les risques de conséquences de cette pénurie sur l’économie belge?
Il y a évidemment le risque important d’un ralentissement du développement économique, et on l’observe déjà! La Belgique peut de moins en moins répondre à sa croissance économique, parce qu’elle a moins de capacités de production et donc moins de possibilités de répondre à la demande. Et c’est très dommage, parce qu’on a une belle qualité de services, d’idées, de productions, mais nos entreprises sont freinées par des pénuries de main-d’œuvre de plus en plus importantes, et elles ne peuvent pas faire face à toutes les commandes. L’impact sur l’activité économique est et sera de plus en plus considérable si on ne pallie pas ce problème de manque de talents.
Quelles seraient les solutions à court terme?
Il en existe plusieurs et elles sont toutes importantes et à prendre en compte au même niveau. On notera la formation en interne des entreprises, c’est fondamental. Les employeurs doivent veiller à ce que leur personnel continue de se développer et de s’adapter à l’évolution des technologies. Il ne faut pas non plus négliger la redistribution des rôles au sein des organisations, pour permettre de confier des tâches à des gens a priori moins qualifiés, pour que les profils plus experts puissent se consacrer à 100% à des fonctions plus spécifiques. Ce qui amène aussi au problème de rétention des collaborateurs, qui reste un axe important dans le focus des entreprises. Il n’y a pas de recette miracle, mais il faut que les entreprises prennent toutes ces pistes en considération.
En dehors des entreprises?
Il est essentiel de remettre dans le circuit du travail les personnes qui ne le sont pas, pour l’instant et pour différentes raisons. Il faut mieux intégrer les personnes à handicap, trouver des alternatives pour les gens qui ont suspendu leur carrière parce qu’ils ne parvenaient pas à concilier leur vie de famille avec leur vie professionnelle, etc. Avec les bonnes adaptations, comme la mobilité ou des flexibilités horaires par exemple, il y a plusieurs profils qu’on pourrait remettre au travail. Et puis, plus globalement, il devient urgent de qualifier mieux encore les personnes qui sont au chômage.