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Apprendre le chinois pour booster sa carrière ?

Date de publication: 8 mars 2018
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De plus en plus de cadres, attirés par le potentiel économique de la Chine, se décident à apprendre le mandarin. Une langue difficile, qui nécessite un investissement sérieux. Des efforts récompensés par des débouchés sur le marché du travail ? Pas si sûr.

mandarin

你会说中文吗? Comprenez : Parlez-vous le chinois ? Si cette phrase vous en évoque davantage que l’enseigne du resto asiatique du coin ou que le motif du rideau élimé de la chambre à  coucher, alors peut-être faites-vous partie de ces travailleurs qui décident de s’attaquer au mandarin dans l’espoir de se voir ouvrir plus facilement les portes de l’Empire du Milieu ou tout simplement celles du marché du travail.

Dans l’imaginaire collectif, le chinois est fantasmé comme la langue de l’avenir, celle qu’il faudrait absolument dompter le jour où ce pays hors norme imposera définitivement son hégémonie sur l’économie mondiale. Alors, en prévision, certains cadres et directeurs retournent sur les bancs de l’école.

On a connu un pic particulier entre 2008 et 2010. Aujourd’hui, la demande s’est stabilisée, peut-être en raison du ralentissement de la croissance de la Chine, estime Serge Langerock, directeur du centre de langues Berlitz. Il est vrai qu’il y a un grand engouement ces dernières années, ajoute Fabienne de Voghel, secrétaire de l’Institut des langues vivantes (ILV) de l’Université catholique de Louvain. Non seulement de la part des étudiants, mais aussi d’élèves libres, qui pensent que cela va booster leur carrière. 

L’apprentissage reste toutefois minoritaire : par exemple, en 2015, Berlitz n’a accueilli que deux stagiaires dans cette option, tandis que 129 étudiants ont suivi les leçons de l’ILV. Contre… 7 800 pour l’anglais, mais 113 pour l’italien.

Le chinois est-il devenu le sésame pour l’emploi ? Pas aux yeux de Françoise Lauwaert, sinologue et professeur à  l’Université libre de Bruxelles. Pour pouvoir s’en servir comme un outil, cela nécessite des années d’apprentissage. Devenir bilingue en suivant des cours du soir, c’est n’importe quoi ! Cela demande un investissement énorme. Je ne pense pas que c’est ce paramètre qui permettra de faire des affaires dans ce pays. Autant prendre un interprète ! Car si on ne maîtrise pas le chinois aussi bien que l’anglais, on risque de se faire rouler. 

Mieux vaut parler anglais

C’est surtout une excellente connaissance de l’anglais qui aidera à  développer sa carrière, concède Serge Langerock. Mais ce qui est important, c’est d’apprivoiser la culture derrière la langue. Car on ne fait pas des affaires là -bas comme ici. 

Aux dires des recruteurs, la capacité à  parler mandarin semble ne pas être une qualité particulièrement recherchée sur un CV. Ni sur le marché belge ni sur le marché international. Il ne m’est jamais arrivé d’avoir une demande de ce type, raconte Géraldine Braem, Senior Consultant chez Randstad Professionals. Parler une langue européenne, comme l’allemand, l’italien ou l’espagnol, est par contre beaucoup plus recherché. 

Anna Dal Borgo, consultante chez Manpower Borderless Talent Solution, a reçu depuis le début de l’année quelques demandes pour des profils parlant chinois. C’était un « plus », pas une nécessité absolue. C’est une démarche peu courante. Il est vrai que certaines sociétés japonaises basées à  Bruxelles sollicitent souvent des personnes parlant le japonais et connaissant la culture du pays. Mais les entreprises chinoises n’ont pas cette exigence. 

Tout au plus la maîtrise de cette langue serait-elle un gage, aux yeux d’un potentiel employeur, de volonté et de détermination. La majorité des diplômés en interprétariat peineraient par ailleurs à décrocher un job. Le chinois comme potion magique pour trouver de l’emploi ou donner un coup de fouet à  sa carrière semble ne pas (encore ?) avoir fait ses preuves…

Mélanie Geelkens

« La connaissance du métier prime, pas celle de la langue »

Entre le russe, l’arabe ou le chinois, son cœur balançait. Il en était persuadé : parler couramment une langue « exotique » ne pouvait qu’être bénéfique à sa carrière. Alors, après un master en journalisme, Grégory Wauters a pris l’avion pour Shanghai. C’était en 2008. Atterrissage au consulat général de Belgique, pour un stage qui a duré deux ans. 

En chinois, chaque mot est nouveau. Il n’y a pas de référents existants. Il faut beaucoup plus de temps pour l’apprendre et le maîtriser que pour une autre langue. Après deux ans en immersion, je peux me débrouiller dans une conversation de base. Mais je suis bien incapable de mener une réunion. 

Ses connaissances lui permettent, en 2010, de décrocher un poste dans une boîte sino-belge, comme responsable sales & marketing en vue de l’ouverture d’un nouveau marché sur place. Mais ce marché ne se concrétise pas. Cap sur la Belgique, où, à  son retour, il devient consultant en ressources humaines pour Michael Page.

Sa maîtrise du mandarin n’a pas fait la différence. Sur le marché belge, trouver un emploi où on va vraiment pratiquer, c’est compliqué. Il m’est toujours utile d’avoir un réseau là -bas, lorsqu’on est occasionnellement amené à  rechercher un profil particulier. Mais les recruteurs chinois vont d’abord tenter de trouver quelqu’un sur place avant de se tourner vers l’étranger. Et les managers qui vont travailler là -bas sont avant tout choisis pour leur expérience. La connaissance du métier est plus importante que celle de la langue. 

Un avis que ne partage pas tout à  fait Patrick Camal. Depuis deux mois, il parcourt Beijing et Shanghai comme consultant pour une entreprise liégeoise. Pour lui, l’apprentissage est indispensable pour aller travailler en Chine. Sauf pour ceux qui ne s’intègrent qu’un minimum et forment des communautés particulières d’expatriés. J’imagine que certains boulots, surtout à  Shanghai, permettent de vivre comme cela. Dans la pratique commerciale, en revanche, cela ne me semble pas possible : dire que la Chine actuelle ne parle pas bien l’anglais est un euphémisme. 

Il en est persuadé : maîtriser la langue lui aurait nettement facilité la tâche. Alors, une fois de retour en Belgique, c’est promis (et c’est prévu) : il apprendra le chinois.

 

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