À l'aube d'un bouleversement dans les bactéries
Spécialisée dans les kits de diagnostic à usages médicaux, Coris BioConcept se focalise sur un nouveau créneau très porteur : la détection des bactéries résistantes aux antibiotiques.
Employant une trentaine de personnes, Coris BioConcept enregistre une croissance régulière depuis de nombreuses années. L'entreprise, qui se prépare à effectuer une percée dans la détection des bactéries résistantes aux antibiotiques de dernière ligne, va franchir un cap l'an prochain. Rencontre avec son fondateur et CEO, Thierry Leclipteux, qui s'enorgueillit d'attirer de nombreux scientifiques dans son département R&D.
Quelles sont les activités de Coris BioConcept ?
L'entreprise travaille dans le domaine de la santé, et plus précisément dans le développement, la production et la commercialisation de tests de diagnostic rapide à usage in vitro. Dans un premier temps, notre gamme permettait de détecter des pathologies de type gastro-entérique et respiratoire. Sur la base de cette technologie, dérivée de celle qui est utilisée dans les tests de grossesse, nous avons développé d'autres tests et nous sommes désormais en train de franchir une nouvelle étape en nous attaquant à la détection de la résistance aux antibiotiques de dernière ligne. Nos clients sont essentiellement les hôpitaux et les laboratoires de biologie clinique, nos produits étant exportés à plus de 80 %.
Êtes-vous soumis à forte concurrence ?
Elle est devenue effroyable, en particulier sur notre gamme historique. Elle provient de toutes parts : de gros acteurs du secteur pharma, de nouveaux acteurs en provenance d'Asie, et joue fortement sur les prix. Mais nous avons la chance, qui n'est évidemment pas due au hasard puisque nous investissons massivement dans la recherche et développement, de pouvoir nous appuyer sur notre avance technologique. Une avance qui va se renforcer par le lancement de nos nouvelles gammes de produits.
De quoi s'agit-il ?
Nous sommes partis de la demande du marché et avons développé des tests pour une niche qui n'est pas bien couverte, à l'échelle mondiale : la détection de la résistance aux antibiotiques de dernière ligne. Les médecins pourront détecter rapidement cette résistance, ce qui permettra d'éventuellement déterminer une nouvelle stratégie pour sauver le patient mais aussi d'éviter, ce qui est très important en milieu hospitalier, la dissémination de bactéries mortelles. Nous allons compléter cet arsenal par le biais d'outils de nouvelle technologie qui permettront de détecter rapidement, en sus, si les syndromes sont provoqués par un virus ou par une bactérie, de l'identifier ainsi que sa résistance éventuelle.
Quel impact sur la croissance de Coris BioConcept ?
Nous avons crû de manière régulière au cours des dernières années et entendons continuer à maîtriser notre croissance en dépit de l'accélération attendue. Mais il semble clair que nous allons franchir un cap, qui va impliquer entre autres la construction d'un nouveau bâtiment dans les deux ans et le recrutement de nouveaux collaborateurs.
Quels types de profils allez-vous rechercher ?
Nous venons de nous attacher les services d'une Product Specialist qui va aussi effectuer du business development. Une perle rare dont le profil scientifique de haut vol lui permet à la fois de comprendre les besoins de nos clients et de leur expliquer en quoi nos produits et notre technologie peuvent y répondre, et ce, de manière pédagogique en s’appuyant sur son expérience de formatrice au Forem. Ses responsabilités s'accompagnent d'un volet business development visant à déceler d'autres usages, d'autres clients que ceux que nous avons déjà identifiés. Nous avons dû activer toutes les ressources de nos réseaux pour dénicher cette nouvelle collaboratrice !
Comment parvenez-vous à attirer de tels collaborateurs hautement diplômés ?
Nous investissons énormément dans la R&D : la moitié de nos collaborateurs y travaillent, nous bénéficions d'une excellente réputation dans ce domaine et cela se sait dans les milieux concernés. En sus de la crédibilité, il y a aussi le fait que nous sommes une PME : nos collaborateurs ont envie de s'investir dans des projets originaux, innovants et de percevoir leur impact personnel sur le produit final (ce qui est beaucoup moins évident à ressentir dans une grosse structure). Cela nous permet de séduire des docteurs en sciences, des ingénieurs, souvent jeunes puisque la moyenne d'âge tourne autour de la trentaine, avec lesquels nous avons parfois fait connaissance en les accueillant dans le cadre d'un stage ou d'un travail de fin d'études par exemple.
Qu'en est-il du personnel de production ?
De manière générale, le diplôme y importe moins que la personnalité. Les qualités que nous recherchons ? Intelligence et responsabilité. Dans le packaging, par exemple, il faut que les gens comprennent que les produits qu'ils manipulent répondent à des normes très strictes, impératives et qu'ils sont les derniers à les manipuler avant qu'ils arrivent chez le client : leur responsabilité est donc réelle.
Pour l'encadrement, faites-vous parfois appel à d'autres ressources que votre réseau ?
Celui-ci est efficace pour épingler des profils scientifiques : dès lors qu'une personne nous est recommandée, c'est évidemment plus facile. Lorsque nous cherchons à recruter pour des fonctions plus transversales, en revanche, cela se complique. Pour trouver une assistante comptable, par exemple, nous avons dû éplucher près d'une centaine de CV : cela demande énormément de temps, dans un domaine qui n'est évidemment pas notre cœur de métier. Cela étant, nous nous sommes adressés deux fois à des chasseurs de têtes : la première mission nous a fait engager quelqu'un que nous avons dû licencier après trois mois, et la seconde nous a permis de recruter un très bon collaborateur qui, étant dans la ligne de mire d'autres consultants, nous a quittés après deux ans...
Difficile de lutter contre de grands groupes, sur le plan salarial notamment ?
Il y a moyen de lutter si on raisonne moins en termes de salaire qu'en termes de pouvoir d'achat, et en faisant preuve d'originalité. Nous proposons par exemple toute la gamme des avantages extralégaux, y compris la prise en charge de frais de chauffage ou d'électricité. Nous avons aussi d'autres arguments à mettre sur la table comme notre ambiance de travail, notre environnement au sein du parc Crealys et les perspectives évoquées précédemment. Nombre de nos collaborateurs sont régulièrement contactés par des chasseurs de têtes : s'ils ne nous quittent pas, c'est parce qu'ils ont de bonnes raisons de rester. Il nous est par ailleurs arrivé de recruter l'un ou autre scientifique déçu par l'ambiance des grands groupes...
Un dernier mot sur le soutien des pouvoirs publics. Est-il important pour une PME ?
Nous faisons régulièrement appel aux stagiaires Explort de l'Awex, qui nous permettent d'aborder nouveaux marchés à moindre coût tout en testant la personne en vue d'un éventuel recrutement. Le soutien financier de la Région wallonne, dans le cadre du plan Marshall et du pôle de compétitivité BioWin en ce qui nous concerne, est lui aussi essentiel, surtout pour une PME qui, comme la nôtre, investit fortement en R&D. Et ce, sans oublier notre insertion dans un réseau de partenaires (universités, PME...) tant en Wallonie qu'en Europe. Tout cela génère une certaine complexité mais, au final, on a tout de même beaucoup à y gagner.
Benoît July