«Se déconnecter en congé est de plus en plus compliqué»
Plus de quatre travailleurs belges sur dix resteraient joignables pour le travail durant leurs vacances. A peine 28% des indépendants parviennent à déconnecter durant leurs temps libres. Problème?
Les vacances sont-elles réellement indispensables et comment véritablement déconnecter de son travail? Réponse avec Isabelle Hansez, professeur de psychologie du travail à l’ULiège.
Est-ce indispensable de prendre des vacances?
Évidemment, surtout que le stress et la pression ont considérablement augmenté. Notre temps de travail déborde de plus en plus sur notre vie privée, donc il est essentiel de prendre des vacances pour pouvoir récupérer. Des études en démontrent d’ailleurs les bienfaits sur notre santé physique. Par exemple, sur une période de 9 ans, la prévalence de la mortalité des hommes à risque de maladies coronariennes diminue chez ceux qui ont l’habitude de prendre des vacances annuelles. Mais les vacances sont aussi bénéfiques pour notre santé psychologique et notre bien-être. Elles favorisent la diminution des symptômes du burn-out et l’augmentation de l’engagement dans le travail. Mais pour que ces vacances soient bénéfiques, il faut se déconnecter complètement de son travail.
Une telle déconnexion est-elle encore possible aujourd’hui?
Le travailleur arrive de plus en plus difficilement à se déconnecter psychologiquement de son travail. La valeur travail est tellement centrale dans notre société que c’est de plus en plus difficile de s’en détacher. Et les smartphones, qui envahissent davantage notre vie privée. Certains travailleurs restent joignables par téléphone ou consultent leurs e-mails parce qu’ils estiment que c’est la norme aujourd’hui. Leurs collègues le font, alors ils se sentent obligés de le faire aussi. Certains considèrent, par exemple, leur smartphone comme une ressource qui leur permet de planifier leur après-vacances pour ne pas être débordés à leur retour. Mais dans l’ensemble, une déconnexion totale est préférable.
Concrètement, comment faire?
Le conseil le plus simple c’est évidemment d’éviter de relever ses mails et de refuser les appels professionnels. L’idée c’est de récupérer. Or, la récupération n’est possible que si on est coupé des sources de stress. Mais une simple coupure n’est pas toujours suffisante. Pour récupérer, l’individu doit aussi vivre certaines expériences propices à diminuer son niveau d’activation et à restaurer diverses ressources. Partir de chez soi peut aider, mais ce n’est pas indispensable pour autant que vous vous adonniez à des activités pour vous relaxer, une activité que vous aimez. Il faut aussi essayer de sortir d’un horaire ultra planifié et se laisser porter par ce qu’on a envie de faire. Enfin, mon dernier conseil concerne la durée de ces vacances. On conseille généralement de prendre une ou deux semaines et de garder des jours de congés pour pouvoir répéter les épisodes de vacances à plusieurs reprises sur l’année. C’est important car les effets bénéfiques de celles-ci s’estompent très vite, parfois après deux trois jours. On estime toutefois qu’ils disparaissent totalement au bout de deux à quatre semaines.
Quels conseils donneriez-vous aux indépendants qui ne peuvent parfois par s’octroyer cette déconnexion totale?
Bien organiser leur départ. Prévenez vos collaborateurs ou vos clients que vous ne serez pas joignables pendant une durée déterminée pour éviter les appels intempestifs durant vos congés. Et si ce n’est vraiment pas possible, essayez tout de même de vous mettre vos propres limites. Par exemple, ne répondez qu’aux e-mails et appels urgents ou fixez-vous une heure par jour durant laquelle vous répondez aux différentes sollicitations. De cette manière, vous pouvez déconnecter au moins une partie de la journée.