« Patron, je voudrais apprendre la poterie ! » ou comment la formation aide à garder les talents…
On n’a jamais fini d’apprendre… Simone de Beauvoir ajoute « parce qu’on n’a jamais fini d’ignorer ». Elle ne croyait pas si bien dire ! La formation n’est pas qu’un « passage obligé » pour combler des faiblesses dans un cv. C’est un état d’esprit derrière lequel se cachent de multiples enjeux. Un pilier de la résilience des entreprises… et des salariés. C’est en tout cas ce que les consultants de l’agence de recrutement Robert Half répètent à leurs clients en chasse de talents.
Si vous pensez que vous êtes trop diplômé (ou pas assez), trop vieux, pas à la bonne place dans l’organigramme… pour discuter « formations » avec votre DRH, vous avez tout faux ! Et en tout cas, c’est que vous avez manqué cette info : le deal pour l’emploi, voté en Belgique il y a un peu plus d’un an, prévoit entre autres tout une série de mesures sur la formation, dont le droit pour chaque travailleur (et ça, c’est une nouveauté !) à des jours de formation dans les entreprises à partir de 10 salariés. Pour les entreprises de 20 travailleurs et plus, on parle de 5 jours par an et par personne à temps plein à partir de l’année prochaine (4 jours en 2023), et pour celles de 10 à 20 salariés, c’est 1 jour par travailleur à temps plein par an.
Faire face à la pénurie de main-d’œuvre
Pourquoi ces mesures ? Elles sont censées aider notre marché de l’emploi à résoudre son fameux casse-tête « offre/demande » : d’un côté trop de demandes d’employeurs non satisfaites, de l’autre des candidats ne correspondant pas assez à ces attentes… ou tout simplement inexistants. Un exemple parmi tant d’autres : rien qu’en région liégeoise, environ 800 postes IT attendent actuellement de trouver chaussures à leurs pieds, et à peine 300 personnes vont sortir des formations cette année. Un fossé qui désespère les recruteurs…
Chez Robert Half, agence de recrutement, on estime en tout cas que ce volet « formation » du deal pour l’emploi est une bonne chose. D’une part, il contribue à mettre à jour et/ou à élargir les compétences internes de l’entreprise. Et puis il donne aux salariés en place de bonnes raisons de ne pas aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
Pour des salariés loyaux, motivés et compétents
Le cabinet prend l’exemple de la formation interne en leadership, que proposent actuellement 51% des entreprises. On ne parle pas seulement d’un investissement dans la croissance individuelle des salariés, mais aussi d’une manière de maintenir un vivier de talents « stable, motivé, loyal et compétent », et donc d’assurer l’avenir de l’entreprise. Dans son « Guide des Salaires 2024 », Robert Half met très clairement en évidence la formation comme une attente importante des salariés et futurs salariés. Un ingrédient incontournable de la stratégie de rétention. Alors si des employeurs hésitent à investir dans la formation de peur que les compétences ne partent au final ailleurs, Cédric Desmet, Regional Director chez Robert Half, répond : « Je leur retourne la question : que se passera-t-il si vous ne formez pas vos salariés ? Ils risquent très probablement de s’en aller, de toute façon ! »
Les salariés en demande de plus de développement personnel
Si tout le monde est d’accord pour dire que la formation est importante, employeurs et employés ne voient pas les choses tout à fait de la même manière pour autant. « Les employeurs visent surtout à répondre à des besoins techniques ou managériaux. Tandis que les employés ont plus d’attentes dans tout ce qui est développement personnel, c'est-à-dire des choses qui peuvent aussi servir à la sphère privée », commente Cédric Desmet.
Développer une culture d’apprentissage
D’un employeur à l’autre, on sera plus ou moins convaincu de l’utilité de ce type de formation. Le cabinet Robert Half conseille tout de même aux employeurs d’examiner ces demandes de plus près : « Le développement d’une personne ne concerne pas seulement le travail. Apprendre est aussi une attitude, une mentalité qui va souvent au-delà du professionnel et englobe donc également le développement personnel. En tant qu’employeur, essayez d’examiner l’offre de formation et de revoir votre politique de manière critique. En encourageant la formation dans l’environnement de travail, vous investissez dans vos employés et dans une culture d’apprentissage positive. »
Pour autant, est-ce qu’on peut tout demander à son employeur en matière de formation ? L’enquête menée dans le cadre du Guide des Salaires 2024 indique par exemple que 3 employés sur 10 seraient intéressés par des programmes de formation à temps partiel et recevoir des jours de congé payés (en dehors des congés-éducation) pour suivre des formations externes. « Evidemment l’employeur ne peut répondre à tout et doit réfléchir au fait que s’il accorde à l’un des congés, il devra le faire aux autres aussi. Sinon il risque de créer des frustrations », temporise Cédric Desmet. « On ne va pas non plus offrir aux salariés des formations en poterie ou ce genre de choses… » Alors pour convaincre votre employeur de vous offrir une formation, un conseil : démontrez surtout l’intérêt de celle-ci pour votre entreprise ! « Mais pour moi, le message essentiel du deal pour l’emploi est que l’employeur a un rôle à jouer pour inoculer le virus de l’apprentissage, pour que ses salariés aient envie de se former aussi en dehors de l’entreprise », termine-t-il.
Cédric Desmet Regional Director chez Robert Half