«Les jeunes sont les grandes victimes de la crise du marché de l’emploi bruxellois»
Le marché de l’emploi a bien du mal à se relever du coronavirus. Les jeunes en payent le plus lourd tribut, de même que les demandeurs d’emploi longue durée ou encore ceux victimes de discrimination à l’embauche.
Le marché de l’emploi tire grise mine depuis l’arrivée du coronavirus. Si plusieurs tendances positives ont pu être observées ponctuellement, Grégor Chapelle, directeur général d’Actiris, dresse un diagnostic assez pessimiste de l’état de santé de l’emploi bruxellois, en particulier pour les jeunes. «On s’y attendait, mais ce sont clairement les jeunes qui sont les grandes victimes de la crise qui frappe le marché de l’emploi bruxellois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, au mois d’août, le taux de chômage des jeunes enregistrait une augmentation de 18,9% par rapport à l’année dernière. C’est du jamais vu!», affirme le directeur général d’Actiris. Une situation qui s’explique en partie par l’augmentation logique du flux entrant de jeunes qui effectuent leurs premiers pas dans le marché du travail, conjuguée à l’attentisme des employeurs. «De plus, ils sont en concurrence avec ceux qui viennent de perdre leur emploi et ont donc engrangé une expérience que les primo arrivants n’ont pas», ajoute Grégor Chapelle.
Mais les jeunes bruxellois ne seraient pas les seuls à payer le prix de la crise sanitaire. «La crise rend plus aigus les problèmes que l’on rencontrait déjà avant à Bruxelles. Les demandeurs d’emploi les plus fragiles actuellement sont aussi les chômeurs longue durée ainsi que ceux qui sont victimes de discrimination à l’embauche. Dans un contexte où le nombre de demandeurs d’emploi est important, les employeurs retombent dans leurs travers et leurs préjugés. Ils préféreront ainsi engager un homme blanc universitaire qu’un chômeur longue durée», s’inquiète Grégor Chapelle.
Ces catégories de demandeurs d’emploi sont d’autant plus fragiles qu’ils ont été isolés des services proposés par l’organisme chargé de la politique d’emploi à Bruxelles. «La crise sanitaire a eu des conséquences opérationnelles sur notre fonctionnement. Seuls 50% de nos équipes travaillent en présentiel, le reste doit se faire en ligne. Or, la fracture numérique est importante sur notre territoire. Et même si certains demandeurs ont un ordinateur ou un smartphone, ils ne savent pas forcément s’en servir dans une démarche administrative de recherche d’emploi», explique Grégor Chapelle.
Relancer la dynamique du marché
Pour compenser ce manque de présence physique sur le terrain et ainsi encourager les demandeurs d’emploi à se réinvestir dans une recherche active de travail, Actiris a renforcé des effectifs opérationnels à distance. «Nous avons une équipe de 140 personnes qui se relayent continuellement pour assurer des permanences téléphoniques afin de guider nos bénéficiaires. Nous recevons actuellement 3.000 appels par jour, traités à 95%», confie le directeur général d’Actiris. Des locaux plus grands devraient également permettre un retour plus franc de la prise en charge en présentiel des demandeurs d’emploi dans les mois à venir.
Il n’empêche que pour l’heure, le marché du travail bruxellois se trouve dans une situation de blocage qui pourrait empirer, à en croire Grégor Chapelle: «De nombreux employés bénéficient toujours du chômage temporaire ou du droit passerelle, mais ils n’en profiteront pas indéfiniment. Notre grande inquiétude concerne aussi les TPE et PME qui sont en train d’essayer de survivre en se focalisant sur l’essentiel: reprendre et poursuivre leur activité. Mais quand viendra l’heure des comptes en janvier, de nombreuses faillites risquent d’être annoncées».
Pour relancer le marché de l’emploi à Bruxelles, et ailleurs, Actiris attend du nouveau gouvernement des mesures fortes. «Ils annoncent vouloir atteindre un taux d’emploi de 80% d’ici 2030. C’est à la fois ambitieux et positif d’avoir des objectifs stratégiques à long terme. En revanche, il faut arrêter d’avoir uniquement confiance en la loi de l’offre et la demande. Pour avancer, nous devons tirer les leçons de cette crise en optant pour des solutions plus innovantes et collectives. Les propositions en lien avec la formation et les territoires zéro chômeur longue durée qui figurent dans le nouvel accord du gouvernement pourraient porter leurs fruits», estime Grégor Chapelle.