« Nous cherchons des gens passionnés par la technologie »
Le groupe CMI, à Seraing, permet à ses ingénieurs d'exporter leur technologie dans le monde entier. Tout le mérite en revient à Bernard Serin, son emblématique patron qui a radicalement transformé en dix ans cette entreprise à l'avenir alors incertain.
Bernard Serin a racheté CMI en 2002. Rencontre avec ce Lorrain passionné de foot et d’œnologie, dont la première carrière fut totalement consacrée à la sidérurgie.
CMI est un groupe particulier, qui repose sur quatre divisions bien distinctes. Qu'est-ce qui fonde son identité ?
Le grand point commun entre toutes nos activités, c'est la technicité. Qui répond elle-même au très haut niveau d'exigence de nos clients, qu'ils nous achètent des équipements dans l'énergie, dans l'industrie ou dans la défense ou qu'ils fassent appel à nos services, de maintenance notamment. Ce qui nous fédère également et constitue notre identité, c'est notre internationalisation : CMI, société wallonne basée à Seraing, est désormais un groupe mondial qui est actif en Inde, aux États-Unis, au Brésil, en Chine ou sur le continent africain, notamment.
La diversité, c'est ce qui constitue votre force ?
Quand une activité faiblit, d'autres peuvent en effet prendre le relais, car elles répondent à des cycles différents : on ne commande pas des centrales électriques au même rythme ou pour les mêmes raisons que des lignes de galvanisation dans la sidérurgie par exemple. L'ingénierie elle-même est très cyclique, très dépendante de la conjoncture (il peut arriver que les commandes flanchent d'un coup comme à la fin 2008) alors que la maintenance est plus stable (il faut entretenir sur la durée les usines ou les centrales électriques). C'est que ce qui explique que nous sommes parvenus à rester dans le vert ces dernières années, malgré la crise terrible qui nous a tous frappés.
Ne pas être coté en Bourse, est-ce aussi un atout ?
Cela nous permet de développer notre stratégie à long terme : celle d'un groupe diversifié – la Bourse n'aime pas trop cela – qui utilise le savoir-faire de la « vieille Europe » pour capter des projets d'envergure dans les pays émergents. Et qui n'hésite à procéder à des acquisitions pour enrichir ses compétences à long terme, comme celle de Balteau dernièrement.
Quelles sont les qualités requises pour rejoindre CMI ?
Il faut avant tout être attiré, passionné par la technologie. Sans cette expertise technologique, nous ne sommes pas en mesure de gagner cet été le contrat de conception et de livraison d'une chaudière de centrale électrique thermosolaire au Chili. Une centrale qui, en recourant aux sels fondus, pourra stocker l'énergie solaire pendant 17 heures et dès lors fonctionner en cycle continu. Il faut aussi aimer travailler à l'international, et donc parler anglais, et être capable de se montrer très rapidement opérationnel sur nos projets. Un contrat à l'international mobilise toutes nos compétences, qu'elles soient techniques bien sûr mais aussi juridiques, commerciales ou financières, entre autres.
La pénurie d'ingénieurs constitue-t-elle un risque pour vous ?
Nous avons la chance d'être attractifs sur le marché belge mais aussi français, dont les systèmes d'enseignement sont parmi les meilleurs au monde. Cela contribue indubitablement à notre succès. Et si nous sommes attractifs, c'est parce que nous sommes sur des technologies qui passionnent les jeunes : le développement durable, l'énergie verte. Autant de défis qu'ils ont vraiment envie de relever.
Les opportunités à l'international, est-ce aussi un facteur d'attractivité ?
Pour les jeunes, assurément. Mais il faut bien reconnaître que cela devient plus compliqué par la suite : il y a la vie familiale, les enfants, qui rendent le travail en Chine ou en Inde moins exaltant. Mais la réalité est incontournable : notre marché est mondial et nous devons nous y adapter.
Y a-t-il encore des ouvriers chez CMI ?
En Belgique, le nombre d'ingénieurs est désormais supérieur à celui des ouvriers, sans que l'emploi n’en souffre pour autant puisque nous sommes passés en dix ans de 1 300 à 1 400 collaborateurs dans notre pays : une performance qui constitue une très grande fierté. À l'échelle du groupe, qui emploie plus de 4 000 personnes au total, c'est moins tranché : nos activités de maintenance, en France, emploient des techniciens et des ouvriers de même qu'en Inde, nous employons majoritairement des ouvriers dans nos ateliers.
Quels sont les arguments que vous mettez sur la table pour attirer les talents ?
Notre package est dans le marché, comme en témoigne le fait que nous avons très peu d'échecs à l'embauche. Nous veillons aussi à ce que chacun puisse participer à nos résultats financiers. Et nous investissons massivement dans la formation : s'il y a un groupe où on est convaincu que la technologie évolue vite, c'est très certainement CMI ! Tout cela justifie sans doute que très peu de collaborateurs nous quittent. Plus concrètement encore : il est ressorti tout récemment d'une enquête de satisfaction interne que 80 % de notre personnel était prêt à s'investir davantage dans la société...
La diversité de vos activités favorise-t-elle aussi la mobilité en interne ? Peut-on par exemple passer facilement de l'ingénierie d'une tourelle de canon à celle d'une ligne de galvanisation ?
Les cœurs de technologie sont très différents. Les calculs qui accompagnent la conception d'une chaudière de centrale électrique, par exemple, requièrent une expertise qui est très spécifique. Cela étant, les compétences relatives à la gestion de projet sont fortement comparables. Si on maîtrise les techniques de financement d'un outil sidérurgique à construire en Chine, on est capable d'en faire de même dans le cadre d'une centrale électrique en Afrique du Sud. Donc, oui, il y a de la mobilité. Elle fut même indispensable après 2008, lorsqu'il n'y avait plus le moindre contrat en sidérurgie alors que la Défense, quant à elle, continuait d'enregistrer des commandes.
Vous avez déménagé récemment dans un nouveau bâtiment dont l'architecture est objectivement très spectaculaire. Une manière de rompre avec l'image négative de Seraing, dont le haut-fourneau est désormais condamné ?
Ce bâtiment, dont le concept est révolutionnaire, se justifie surtout par la volonté d'offrir à nos collaborateurs un cadre de travail formidable : bureaux insonorisés, salle de sport, grand auditorium et salles de réunion équipées des derniers équipements de télécommunication, entre autres. En parallèle, nous avons poursuivi la restauration de notre siège historique, le château Cockerill qui est partiellement classé et qui fut occupé par John Cockerill lui-même à partir de 1817. Enfin, il y a actuellement de gros travaux de rénovation urbaine à Seraing. Tout cela pour vous dire que les gens qui découvrent notre cadre de travail sont, en réalité, tout simplement bluffés !
Benoît July